Interview de Frank Margerin

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Tout d'abord, qui est Frank Margerin

Pour ceux qui ne le sauraient pas, Frank Margerin est un dessinateur de bande dessinée (né le 9 janvier 1952 à Paris).

Après le lycée, il rentre à l'école des Arts appliqués et devient percussionniste dans le groupe " Los Crados ", formé avec son condisciple Denis Sire.

En 1976, alors qu'il est à la recherche d'un travail dans l'édition ou dans l'illustration, Frank Margerin fait la rencontre de Jean-Pierre Dionnet, le rédacteur en chef de Métal Hurlant, qui lui offre la parution de sa première bande dessinée dans le numéro six de cette revue. Après ce récit, intitulé Simone et Léon, ses planches sont publiées par le mensuel humoristique Rigolo. Son premier album, Frank Margerin présente, sort en 1978.

En 1982, il crée Albert et Mauricette puis, deux ans plus tard, il dessine Skoup et Max Flash, les aventures en bande dessinée de deux journalistes écrites par Phil Casoar.

Il crée son personnage fétiche, Lucien, en 1979, un rocker au cœur tendre, à la coiffure banane et au gros nez.

En 1989, riche année, il signe chez Les Humanoïdes Associés des albums collectifs portant le titre : " Frank Margerin présente… ". Il signe aussi " Y'a plus de jeunesse " chez Albin Michel. Il travaille enfin sur une série animée mettant en scène les aventures du dénommé Manu, série diffusée sur La Cinq et France 2 et dont l'adaptation en bande dessinée suivra peu après.

En 1992, Margerin se voit décerner le Grand Prix de la Ville d'Angoulême lors du festival d'Angoulême, festival dont il sera président l'année suivante.

En 1998, sort, Ricky chez les Ricains, l'histoire du voyage de la bande à Lucien aux Etats-Unis. En novembre de cette même année, Frank Margerin présente... Frank Margerin, album qui recense de nombreuses illustrations et dessins inédits.

En septembre 2008, le neuvième album de Lucien, Toujours la banane ! parait chez Fluide Glacial. Le dessinateur le représente avec 30 ans de plus, la bedaine, deux enfants et toujours rock'n'roll...

L'interview

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Taz : Salut Frank
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F-M : Salut Taz et les Potes
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Taz : Tu fais de la moto depuis combien de temps ?
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F-M : En fait, j'ai passé mon permis moto assez tard, je l'ai passé en 80, donc comme je suis né en 52, tu vois j'avais 28 ans. Et donc, j'ai fait beaucoup de 125 avant d'attaquer vraiment la moto, et j'ai découvert la moto quand j'avais une vingtaine d'années en tant que passager. J'ai un copain qui en 71 s'était acheté la 450 Honda, et j'avais le cul derrière en tant que passager comme c'était mon meilleur pote, c'est celui d'ailleurs qui m'a inspiré "Ricky Banlieue" tu vois, le gros menton, le gros nez comme ça, et on s'est fait des tas de virées, c'était un peu l'ambiance "Joe Bar Team", tous les potes qui avaient des motos se retrouvaient pour aller se faire des virées en week-end et c'était que je te frotte la béquille à droite, que je te frotte le pot à gauche, etc… enfin bon on s'est bien marrés et comme j'ai survécu à cette époque-là et que ça m'a refilé le virus, hé bah un jour je me suis décidé. J'avais deux copains qui étaient journalistes à "Moto Revue" et un jour ils m'ont dit "tiens cet été on se fait prêter des motos pour un essai, donc si tu passes ton permis, bah y'a une troisième moto qui cherche un pilote, elle est pour toi", donc j'ai fait le stage accéléré sur une semaine où tu t'inscris pour passer rapidement. Je me suis inscrit, je l'ai eu, le lendemain on partait à Gordes, on faisait Paris-Gordes d'une traite, c'était une formation accélérée ! On s'est bien marrés…
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Taz : Ouais, maintenant, quel type de bécane, anglaise, française, italienne, allemande ?
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F-M : Alors si tu veux je suis pas un motard sectaire. Evidemment j'ai des préférences mais je crois que j'aime la moto dans son ensemble avec effectivement plus d'affinités pour certains styles de motos et certains looks, mais si je suis à la campagne chez un pote et qu'il a une heu… j'sais pas une vieille Honda pourrie à me prêter bah j'serai super content tu vois… j'vais pas dire "ha non j'mettrai jamais les fesses là-dessus !". Celles que j'aime le moins c'est celles qui copient des vraies motos…. Tiens les customs japonais ça j'aime pas parce que ça fait le mec qui veut un peu se la jouer mais qui a soit pas les moyens, mais quand je dis les moyens c'est pas financier parce que ça vaut aussi cher que les autres, mais plutôt heu… qui a pas l'esprit. Je trouve que si tu veux jouer les bikers faut aller sur une vieille Harley, même rafistolée. Sur une copie japonaise tu vois… enfin bon, bref, c'est pas très grave mais… en gros j'aime la moto avec beaucoup de passion pour les vieilles anglaises et les vieilles motos en général, les vieilles italiennes aussi, les Ducati, les allemandes… Mais c'est vrai que je suis plutôt passéiste au niveau de la moto, j'aime bien les motos qui ont du caractère, et j'aime bien les motos qui ont des défauts ! Y'a rien de plus chiant qu'une moto parfaite où tu sais que ça va freiner, que ça va tenir le parquet, tu sais que ça va démarrer, enfin je suis pas maso non plus hein, je veux pas d'une moto qui soit dangereuse, mais j'aime bien un sentiment que c'est pas trop facile tu vois, je veux sentir qu'il faut un peu anticiper, qu'il faut un peu choisir sa trajectoire, un peu piloter, sentir que ça vibre, que ce soit vivant.. T'as des motos t'as l'impression que tu passes l'aspirateur, ça fait "VVVVVVVVVoouuuuu" et puis tout est trop facile. C'est bien pour les gens qui au contraire de moi n'ont pas envie de souffrir sur une moto, mais moi j'aime bien avoir un rapport un petit peu, heu, comment dire, heu… enfin je sais pas comment dire mais, c'est un truc d'émotion, j'aime bien sentir qu'il y a des émotions sur une moto, sentir que ça vit, voila… Oui, c'est très important.
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Taz : Tu roules sur quoi actuellement ?
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F-M : Bah je roule sur une vieille béhème qui n'a pas un caractère exceptionnel mais par contre c'est vrai qu'elle a un bruit de moteur fabuleux, comme elle a en plus deux petits mégaphones, tu vois… Le moteur du flat, quand il est bien aéré et qu'il ronfle bien, c'est un joli bruit. Et puis elle a un look rustique comme j'aime : c'est-à-dire qu'elle a des soufflets sur les fourches, elle est toute noire, elle a des rayons, elle a un phare rond. J'aime bien tu vois les trucs un peu classiques, j'aime pas les choses qui ont des bâtons à la place des rayons, j'aime pas les phares carrés, j'aime pas les plastiques à la place du métal, tu vois bon… J'suis un peu vieille école ! (rires).
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Taz : Maintenant, on va faire un petit parallèle : dans tes BD il y a toujours la bécane qui revient. C'est une question de passion ou c'est un fil conducteur dans ta BD ?
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F-M : Bah en fait ça va avec mes personnages et puis c'est vrai que c'est plutôt une passion parce que le personnage pourrait se déplacer dans des vieilles voitures genre vieille Dauphine, et ça arrive d'ailleurs, mais c'est vrai que quand je les fais rouler sur des motos, j'aime bien dessiner des vieilles anglaises parce que pour moi, c'est l'image de la moto quand j'étais jeune, celle qui m'a fait rêver et c'est resté vachement ancré en moi. C'est moins d'émotion en regardant, je sais pas moi, une CBR ou une R1 tu vois… Non mais ce sont de très belles motos, qui marchent fort, pour des gens comme toi qui aiment rouler vite c'est parfait. Moi j'aime pas rouler vite, j'aime me faire plaisir à une vitesse modérée, j'aime regarder le paysage… C'est comme… tu vois autrefois quand je faisais du ski j'aimais foncer. Maintenant, je m'en suis pris des bonnes, donc j'aime bien soigner le style, j'aime bien regarder le paysage, tout ça, et donc la moto c'est pareil, j'ai passé l'âge de poser le genou, je l'ai jamais fait d'ailleurs, parce que quand je l'ai fait c'est que j'étais par terre ! J'aime bien maintenant la belle trajectoire, le beau… rouler sur le couple comme ça… la truffe au vent !

La question qui tue en Live

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A écouter du pur bonheur

Taz : Donc comme tu inaugures notre nouvelle rubrique "Interview des Potes", donc tu vas avoir la "question qui tue" : slip ou caleçon ?
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F-M : Alors je suis caleçon mais pas le caleçon large tu vois, pas le truc où il y a la couille qui se balade, c'est le caleçon qui est un peu maintenu, c'est-à-dire que c'est une sorte de "slip-caleçon". Tu vois ce que je veux dire ?
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Taz : Un boxer, quoi ?
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F-M : Ouais c'est ça un boxer, c'est-à-dire que t'es un peu moulé dedans quand même. Parce que le caleçon américain tu vois c'est ultra inconfortable, t'as vraiment les couilles qui partent dans tous les sens… et d'ailleurs ça a posé des problèmes de stérilité aux américains ça à ce qui parait… cela dit faut pas être con non plus, faut trouver le juste milieu !
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Baloo : Ouais moi je voulais savoir, c'est au niveau artistique, t'as un style inimitable, t'as un trait qui t'est vraiment propre, je voulais savoir ce qui fait que tu dessines de cette manière, qu'est-ce-qui t'as inspiré ?
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F-M : Alors le style c'est un peu comme l'écriture, c'est un truc qu'on maîtrise pas vraiment, disons que quand j'étais gamin j'aimais la BD franco-belge, donc ça allait de Tintin en passant par Spirou, ou Astérix aussi, c'était ça et le gros nez tu vois, ou comme le capitaine Haddock parce que les autres ils ont plutôt des nez normaux, mais comme je fais de la bande dessinée humour j'aime bien le trait "gros nez" qui est un peu comme Achile Talon, Gaston Lagaffe qui va bien avec l'humour… Et c'est vrai que mon trait est maintenant assez identifiable et ça, ça me fait vraiment plaisir. Je l'ai pas fait exprès parce que c'est un truc qu'on arrive difficilement à maîtriser vraiment. Tu vois, on peut être influencé et puis pas le voir, donc tous les gens disent que tu fais un "sous-machin", et ça, j'aurais eu horreur de ça, qu'on dise : Ah ouais, Margerin, c'est du ''sous-Gotliebe'' ou du ''sous-Uderzo'' ou du ''sous-Franquin''. Non, c'est du Margerin, c'est vrai qu'on reconnait maintenant… heu enfin, c'est vrai que graphiquement c'est pas performant mais c'est efficace, ça fonctionne bien et c'est vrai que les gens identifient de loin.
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Taz : Vu qu'on est sur la BD, il y a une question qui me turlupine : pourquoi le retour de Lucien après autant d'années d'absences ?
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F-M : En fait ce qui s'est passé c'est que j'ai rencontré Hervé Desinge qui s'occupait de " L'écho des Savanes ", et qui voulait que je fasse une série pour lui. Et c'est un moment où j'avais envie de renouer avec la presse, et les " Humanos " ne me donnaient pas cette occasion. Et donc pour créer une série pour "L'écho des Savanes" je ne pouvais pas reprendre Lucien, car Lucien appartenait aux "Humanos", donc il a fallu que je crée un nouveau personnage et j'ai créé "Momo le coursier". Donc j'ai fait trois album, ça m'a pris à peu près quatre ou cinq ans pour faire les trois, et après j'ai fait un "Shirley et Dino" qui m'a pris encore un an et demi, donc voilà c'est… il y a sept-huit ans qui sont passés et… j'ai continué à dessiner mais j'ai pas fait de "Lucien", et là c'est vrai que le fossé s'est un petit peu creusé entre lui et moi, et j'avais du mal à imaginer un "Lucien" très connoté années 80, en 2000, avec les mêmes clichés, le côté rétro et tout ça … je pensais que ça commençait à mal vieillir tu vois, enfin je le sentais comme ça, et je me suis dit que le seul moyen de faire revenir Lucien dans son époque, c'est qu'il ait des enfants qui eux ont des ordinateurs, des Playstations, des téléphones et tout ça, c'est les gamins qui vont amener le 21ème siècle, et Lucien à nouveau ça va être moi, je me retrouve à nouveau proche de mon personnage, et je vais raconter des histoires de père de famille qui maintenant sont mon quotidien plutôt que des histoires de gamins qui font du flipper et roulent en Paloma tu vois, parce ça c'est plus mon époque où j'avais des trucs à raconter, et en même temps pour mon public, mon premier public qui a cinquante ans se retrouve à nouveau en prise directe avec un personnage qui leur ressemble, et je trouve que c'était une bonne façon de rassembler deux publics, un public jeune qui va se retrouver dans les enfants de Lucien, un public de mon âge qui va se retrouver dans Lucien, et puis pareil, des choses de mon époque qui auraient été plus difficiles avec un Lucien jeune.
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Taz : Ce qui veut dire que cet album est l'enfant d'une nouvelle série ?
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F-M : Oui, c'est vrai que maintenant je recommence un autre album et Lucien a toujours cinquante ans, mais… non mais rassure-toi, je ne vais pas refaire les mêmes choses, je vais… il va vivre des choses qu'on vit à tous les âges d'abord, et puis il y aura pas mal de flash-back où il va de temps en temps dire à son fils : "Moi de mon temps, à mon époque, quand j'avais ton âge…". Mais on verra Lucien très jeune, Lucien à 12 ans, à 18 ou à 16 quand il va connaître ses copains, tu vois des trucs comme ça, il y a aura des flash-back pour pas que ce soit toujours le gros Lucien bedonnant à chaque histoire
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Taz : La question, est-ce qu'on verra un jour Lucien, cinquante ans, sur une méga-sportive japonaise ?
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F-M : Oui, on peut tout imaginer, oui bien sûr. Moi ça m'est arrivé comme je me sens très proche de Lucien, ça m'est arrivé de poser mon cul sur des motos très modernes, et les premières secondes je ne suis pas très à l'aise, j'ai un petit peu la trouille, mais heu… on s'y fait très vite, c'est comme je disais tout à l'heure, c'est des motos assez faciles !
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Taz : Je te remercie beaucoup Frank pour cette Interview.
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F-M : De rien Taz et puis je te souhaite une bonne santé aussi !
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Taz : Merci mon grand.


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